"En entrant dans le Grand Théâtre Lumière à Cannes,
dimanche 26 mai, beaucoup croyaient le résultat acquis : Le Passé, d'Asghar
Fahradi était donné lauréat de la Palme d'or. Très tôt, on a su qu'il en irait
autrement. Le prix d'interprétation féminine remis à Bérénice Bejo pour son
rôle dans ce film mettait hors course le drame parisien du réalisateur iranien,
puisqu'un film ne peut être primé qu'une fois.
Au fur et à mesure que les autres récompenses ont été
annoncées, on s'est rendu à l'évidence: Steven Spielberg et ses jurés avaient
osé remettre la récompense suprême de cette 66e édition à La Vie d'Adèle,
d'Abdellatif Kechiche. En annonçant cette Palme d'or, le réalisateur de Lincoln
a bien précisé qu'elle récompensait trois artistes : "Adèle, Léa et
Abdel". Le trio s'est précipité sur scène, les filles en larme, le
réalisateur cherchant ses mots avant de rendre hommage "à la belle jeunesse
de France" et à la révolution tunisienne.
En fait, ce palmarès éclectique n'a ignoré aucune des
manières de faire du cinéma que proposait les films retenus pour la compétition
: la brutalité extrême dont fait preuve le jeune Mexicain Amat Escalante, prix
de la mise en scène pour Heli ; la sophistication des frères Coen dans Inside
Llewyn Davis, Grand Prix ; l'intimisme du Nebraska d'Alexander Payne dont
l'interprète, Bruce Dern, a été primé ; les audaces formelles et l'ancrage dans
le présent de Jia Zhangke, prix du scénario pour A Touch of Sin (Tian zhu
ding)...
Parmi les quelques phrases que Steven Spielberg a prononcé
avant de commencer à proclamer les résultats, il y avait celle-ci
"l'exception culturelle est le meilleur moyen de préserver la diversité du
cinéma". (...)
La Vie d'Adèle représente à bien des titres l'un des aspects
les plus menacés de cette diversité culturelle. (...) Pour toutes ces raisons, le choix de Steven Spielberg et de
ses jurys ne témoigne pas seulement d'un grand discernement esthétique – La Vie d'Adèle était certainement l'un des films les plus ambitieux, les plus
émouvants, de la compétition – mais aussi un acte de politique culturelle qui
ne manque pas de courage." in Le Monde
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