Si tu peux
voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire
un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en
un seul coup le gain de cent parties
Sans un
geste et sans un soupir ;
Si tu peux
être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux
être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te
sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant
lutter et te défendre ;
Si tu peux
supporter d’entendre tes paroles
Travesties
par des gueux pour exciter des sots,
Et
d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir
toi-même d’un mot ;
Si tu peux
rester digne en étant populaire,
Si tu peux
rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu
peux aimer tous tes amis en frère,
Sans
qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais
méditer, observer et connaître,
Sans jamais
devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais
sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans
n’être qu’un penseur ;
Si tu peux
être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux
être brave et jamais imprudent,
Si tu sais
être bon, si tu sais être sage,
Sans être
moral ni pédant ;
Si tu peux
rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir
ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux
conserver ton courage et ta tête
Quand tous
les autres les perdront,
Alors les
Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à
tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui
vaut mieux que les Rois et la Gloire(**)
Tu seras un
homme, mon fils.
Poème original de Rudyard Kipling qui s'appelle "If" composé en 1885. Il fut traduit de façon superbe et littéraire (et non pas littérale) par André Maurois en 1918.
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