La joie de vivre d'Henri Matisse
Á minha amiga Margarida Pereira a quem agradeço os multiplos mimos e testemunhos de amizade que me tem dado.
"Dans notre manière d’être actuelle, notre âme goûte trois sortes de plaisirs ; il y en a qu’elle tire du fond de son existence même; d’autres qui résultent de son union avec le corps ; d’autres enfin qui sont fondés sur les plis et les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre.
Ce sont ces différends plaisirs de notre âme qui forment les objets du goût, comme le beau, le bon, l’agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, le majestueux, etc. Par exemple, lorsque nous trouvons du plaisir à voir une chose avec une utilité pour nous, nous disons qu’elle est bonne ; lorsque nous trouvons du plaisir à la voir sans que nous y démêlions une utilité présente, nous l’appelons belle.
Les anciens n’avaient pas bien démêlé ceci ; ils regardaient comme des qualités positives toutes les qualités relatives de notre âme; ce qui fait que ces dialogues où Platon fait raisonner Socrate, ces dialogues si admirés des anciens, sont aujourd’hui insoutenables, parce qu’ils sont fondés sur une philosophie fausse ; car tous ces raisonnements tirés sur le bon, le beau, le parfait, le sage, le fou, le dur, le mou, le sec, l’humide, traités comme des choses positives, ne signifient plus rien.
Les sources du beau, du bon, de l’agréable, etc., sont dans nous-mêmes; et en chercher les raisons, c’est chercher les causes des plaisirs de notre âme.
Examinons donc notre âme, étudions-la dans ses actions et dans ses passions, cherchons-la dans ses plaisirs ; c’est là où elle se manifeste davantage. La poésie, la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, la danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature et de l’art, peuvent lui donner du plaisir.
Voyons pourquoi, comment, et quand ils le lui donnent ; rendons raison de nos sentiments ; cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes"(...).
Montesquieu, Essai sur le goût, 1757