quinta-feira, 20 de setembro de 2012

"l'ignorant est plus dangereux envers lui-même que son pire ennemi"

  
"La liberté de conscience et d'expression est un acquis occidental incontesté et incontestable. Une avancée et un progrès philosophico-moral réels de notre humanité. Leur élan doit être irréversible. Le droit à la création intellectuelle et artistique participe de cette liberté. Toute concession dans ce domaine ne rendrait pas service à ce qui fait l'être humain : la liberté. Nous devons alors tous défendre et universaliser cette valeur cardinale.

Mais le reste du monde n'est pas occidental, ni très démocratique. Beaucoup de civilisations ne voient pas la liberté avec les mêmes yeux d'un Occident fortement sécularisé. Les libertés individuelles n'y incombent qu'aux personnes concernées et non pas à leur gouvernement et à leur Etat. Ce que beaucoup de manifestants dans le monde musulman ne savent pas. Dans cet univers culturel, le totalitarisme de l'Etat avait remplacé l'esprit tribal de jadis (la "asabiya d'Ibn-Khaldoun") et où le "je" de l'individu reste encore dilué dans un "nous" communautariste flou. En dépit du "printemps arabe", cette mentalité persiste. La confusion entre l'Etat et le citoyen est totale, et la vidéo diffusée sur Internet est donc comprise comme une expression de l'Etat américain.

Cette lecture du monde justifie aux yeux de certains de s'en prendre à l'ambassadeur américain en Libye, qui était pourtant un grand ami du peuple libyen. Il s'agit là non seulement d'un crime et d'une transgression du droit international, mais d'une transgression d'un commandement du Prophète qui a interdit de s'attaquer aux ambassadeurs et aux émissaires. Cette interdiction, comme l'explique le Prophète, est un respect d'un droit international qui existait déjà à son époque. On assiste là à une ironie de l'histoire, lorsque des musulmans tuent pour le Prophète contre le Prophète.

La vulnérabilité de certaines cultures musulmanes est devenue un prétexte pour renforcer ou revendiquer des lois liberticides et augmenter l'extrémisme et l'intolérance contre les enseignements de la religion elle-même. Car au fond il s'agit dans tout cela plus d'une frustration que d'une spiritualité éclairée. Cette tentation gagne même des musulmans vivant en Occident. Le monde musulman, sans l'essentialiser, doit dépasser sa susceptibilité à l'égard de l'Occident et rompre avec l'esprit complotiste et victimaire qui le ronge. Car tout simplement la liberté et la créativité restent le propre de l'homme, et donc des notions sacrées sans lesquelles l'homme n'est plus homme. Aucune religion digne de ce nom ni aucun système culturel ou philosophique ne peut nier ce principe. (...).
 (...)
Quant à la contestation et à la critique, elles sont légitimes. Elles doivent être civilisées. La critique d'art se fait par l'art, la philosophie par la philosophie, les idées par les idées. Répondre à ces provocations gratuites constitue une vraie publicité pour des oeuvres qui seraient sinon ignorées. Le problème de l'islam c'est d'abord ses musulmans. Et comme dit le proverbe arabe, l'ignorant est plus dangereux envers lui-même que son pire ennemi."

"Résister à l'esprit complotiste et victimaire" de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux.
Le Monde 20/09/2012

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