quinta-feira, 22 de dezembro de 2011

Conto de Natal


"Dans la cohue des voyageurs du terminal 2 de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle (CDG), son kimono blanc passe inaperçu. Assis sur un siège, un chariot à bagages devant lui, Aristide pourrait être un sportif de retour d'une compétition internationale. Mais ce passager n'est pas en partance. Son voyage s'est arrêté il y a plusieurs années dans ce hall de béton et de verre.
Comme lui, ils sont une centaine d'errants à avoir échoué un jour tout au bout de la ligne du RER B et à vivre dans les neuf aérogares de Roissy. Pour certains, depuis plus de dix ans. La nuit, une quarantaine d'autres personnes viennent les rejoindre avant de repartir au petit matin.

Originaire de Centrafrique, Aristide ne sait plus exactement depuis combien de temps il tourne là. Deux, trois ans ? Le judoka, sa boussole griffée "Koh Lanta" au poignet, a un peu perdu le nord. Entre deux envolées mystiques, il explique : "Je fais le tour du monde ici, par la nourriture, les objets que je trouve, en regardant les gens, je voyage dans ma tête."

Dans son chariot, plusieurs sacs en plastique contiennent un bric-à-brac qui résume à lui seul l'ordinaire d'un aéroport. Des flacons de shampooing et des lotions en tout genre voisinent avec des bouteilles d'eau et des sandwichs encore emballés. Pour récupérer ce butin, Aristide s'est juste posté devant les poubelles des salles d'embarquement, là où les passagers abandonnent les objets qui ne franchissent pas la barrière de sécurité. Sourire jusqu'aux oreilles, il extirpe d'un de ses cabas une tour Eiffel souvenir, avant de filer.

"Ici, il y a tout, de l'argent, de la nourriture, des blocs sanitaires, un service médical, explique Christophe Pauvel, chef de service de la maraude Emmaüs Roissy. C'est chauffé l'hiver et climatisé l'été." L'aéroport, avec ses 1 700 policiers mobilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et ses 5 800 caméras de surveillance est un lieu sûr. Un endroit où l'on peut se faire oublier aussi. "Certains SDF viennent rechercher une forme d'anonymat, lassés de la ville et de tout accompagnement social", poursuit Christophe Pauvel.

Depuis 2007, Emmaüs vient en aide aux personnes en errance sur l'aéroport. Deux fois par jour, 365 jours par an, une équipe de maraudeurs parcourt les trois terminaux à la rencontre des SDF. L'association caritative dispose aussi d'un lieu d'accueil, où les sans-abri peuvent prendre une douche et un petit déjeuner.

Ce matin de novembre, ils sont une dizaine à se presser devant la permanence de l'association, installée dans des préfabriqués, sous la route de service du terminal 2A. Des hommes, venus pour la plupart d'Europe de l'Est, Polonais, Roumains, Lettons, Lituaniens, se regroupent par nationalité autour d'un café. On se toise, on roule des mécaniques. Christophe Chauvel, qui maîtrise cinq langues slaves, calme le jeu. "La moitié des personnes que nous accueillons ici sont étrangères, précise-t-il. En ce moment, nous avons un afflux d'Européens en situation d'asile économique, à la recherche d'un emploi déclaré ou non."

A côté de cette population spécifique, on trouve d'autres hommes et quelques femmes aux profils divers. Grands exclus, jeunes en rupture familiale ou en proie aux représailles de dealers, squatteurs enfouis dans les galeries techniques ou travailleurs pauvres, côtoient les "aliénés migrateurs", ces voyageurs pathologiques qui s'installent à Roissy pour plusieurs mois et ne veulent plus en bouger.

Dans la masse des 58 millions de passagers qui transitent chaque année à Roissy, ce petit monde se fond dans l'atmosphère cotonneuse de l'aéroport. Seuls les "Diogène", du nom du "philosophe clochard" de l'Antiquité, attirent le regard des voyageurs. Leur pathologie se caractérise, entre autres symptômes, par le besoin d'accumuler les objets. Comme cette femme, allongée sur un banc du terminal 2C sous une couverture, à côté d'un chariot où s'amoncellent, sur près de deux mètres de hauteur, valises, cartons et oripeaux".  Le Monde.fr

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